Harraga – Harragas

Combien sont-ils ces harraga qui ont pris le large pour ne plus revenir ?

Six noyés, deux rescapés et des disparus près d’Oran

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Une tentative d’émigration clandestine a tourné au drame durant la journée de l’Aïd El Fitr au large de Coralès sur la corniche oranaise. Les éléments de la Protection civile, qui ont été avisés par les gardes-côtes, ont pu secourir deux passagers clandestins, l’un originaire d’Oran, qui serait le passeur, et le second d’Alger, et repêcher les cadavres de six personnes noyées.

Ces rescapés ont été évacués vers les urgences médicochirurgicales et le service de la médicine légale du CHUO. Selon un passager clandestin qui a donné l’alerte en rejoignant à la nage la côte, « l’embarcation qui les transportait a chaviré à 500 mètres au large des côtes de Coralès. » Dès les premiers instants de l’alerte, les éléments de la Protection civile, aidés par les gardes-côtes et les plongeurs, dotés de matériels d’intervention et appuyés par un hélicoptère de l’ANP, ont recherché les corps des disparus jusqu’à la tombée de la nuit. D’après les témoignages concordants des deux survivants, les naufragés sont tous de nationalité algérienne. C’est certainement suite à un soudain emballement de la météo que le canot pneumatique sur lequel les dix harraga avaient pris place se serait retourné. En effet, alors que le temps était calme, la veille en fin de journée, un vent d’ouest se leva, annonçant une brusque tempête. Sans doute mis en confiance par un temps anormalement calme et une embarcation apparemment spacieuse, les clandestins seront trahis par la force des vagues. La Méditerranée étant connue pour sa météo capricieuse, qui peut, en l’espace de quelques minutes, transformer une « mer d’huile » en un véritable coupe-gorge. C’est certainement ce qui a dû se produire cette nuit du 24 octobre. Un mois qui aura battu tous les records en matière d’émigration clandestine à partir des côtes ouest. Ce qui explique qu’en cas d’avarie, de panne sèche ou d’incident sur les moteurs, la plupart des embarcations, notamment celles qui parviennent à gagner le grand large, lorsqu’elles dérivent, finissent naturellement par toucher terre au niveau de la façade maritime de Mostaganem. C’est ainsi qu’en l’espace de deux semaines, pas moins de 18 clandestins seront sauvés en haute mer par des navires, dont l’un appartenant à la marine américaine. La plupart des ces candidats à l’émigration sont originaires des wilayas d’Oran et de Tlemcen. Toujours durant cette courte période, 9 autres rescapés seront sauvés d’une mort certaine à quelque 36 miles au large de Achâacha. Ce choix s’explique essentiellement par la relative proximité avec les côtes espagnoles. En effet, les plages de Madagh, des Andalouses (wilaya d’Oran), d’El Ouardania (commune d’Oulhaça, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Beni Saf), ou de Bouzedjar (wilaya de Aïn Témouchent) ainsi que celles de Sidna Youchaâ et de Mekhalla-plage dans la région de Honaïne (wilaya de Tlemcen) se sont transformées, en l’espace de quelques années, en véritable plaques tournantes de l’émigration clandestine à destination de l’Europe. Malgré les patrouilles des éléments de la sûreté et ceux de la gendarmerie, tout le long du littoral oranais (120 km), de plus en plus de jeunes, au risque de sacrifier leur vie, tentent désespérément l’aventure en haute mer sans tenir compte des risques qu’ils encourent, particulièrement à l’approche de l’hiver caractérisé par de fréquents changements climatiques. Pour rappel, durant ces deux derniers mois, plusieurs tentatives d’embarquement clandestin de jeunes harraga ont été déjouées à partir du littoral oranais. Des groupes de dizaines de jeunes, candidats à l’aventure périlleuse, à bord d’embarcations de fortunes acquises auprès d’intermédiaires véreux et arnaqueurs spécialisés, à des sommes pouvant atteindre facilement les 100 millions de centimes, ont été appréhendés. Ces harragas, en grande majorité des jeunes issus des wilayas ou des régions limitrophes d’Oran, sans aucune expérience, ni connaissance des dangers de la navigation en haute mer, évitent à présent d’utiliser les navires en rade dans les ports commerciaux hautement surveillés et sécurisés depuis l’introduction de l’ISPS code maritime. Ils prennent, à présent, les départs à partir des zones isolées situées sur le littoral d’Oran ou celui de Aïn Témouchent. Les chiffres communiqués par les services de la gendarmerie font état, pour le seul premier semestre de l’année en cours, de l’arrestation de plusieurs personnes dans 90 tentatives échouées à partir d’Oran ou de Aïn Témouchent. Pour l’année 2005, ces mêmes services avaient enregistré 119 tentatives. Certaines familles, qui avaient contacté le service spécialisé mis en place depuis une année par le Croissant-Rouge algérien pour d’éventuelles recherches des disparus, attendent toujours des nouvelles de leurs enfants ou de leurs proches. Ces derniers, désespérés, sans emploi, avaient pris le risque et tenté l’aventure pour un eldorado outre-mer. Mais, lorsque le rêve courtise l’aventure, le désir d’aller voir ailleurs demeurera toujours plus fort, tant que les causes de la marginalisation d’une grande partie de la population ne seront pas résolues.

T. K.

Y. a.

Written by elharraga

26 octobre 2006 à 6:49

2 Réponses

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  1. Mamadou III

    C’était un après midi d’une journée de fin du mois de Ramadhan, habitué au jeûne et la starvation, je longeais comme d’habitude une côte rocailleuse et difficile, à récolter ça et là des bouteilles ou d’autres objets rejetés par la mer. A cause de ma capacité de transport, je ne ramassais pas tout, et me limitais à mon caprice sur les formes, la couleur, l’origine, ou la possibilité de recyclage utilitaire ou artistique. Avec le temps, je me suis familiarisé avec les marques et les différends jeux de tombola et loto sur les bouchons des bouteilles, et participe ainsi avec les Italiens, Maltais, Turc, Français, Yougo…leurs faux espoirs. D’ailleurs, plusieurs nouvelles marques et sous produits, me parviennent par la mer, au moins une année, avant leur arrivée sur les stores des super marchés (que je n’entre jamais) de Zarzis. Je reçois aussi de temps à autres des messages dans des bouteilles à la mer avec de différends appels et vœux, mais, vu ma sensibilité et ma communication totale avec tout ce qui m’entoure, je vois et lis des messages dans tout ce qui vient de la mer et tombe sous ma main.
    Ce jour là, je n’étais pas pressé, mon grand sac postal grossissait progressivement sur mon dos, une caisse vide en plastique dans la main et une grosse corde attachée à ma taille trainait derrière moi. Avec le poids, je me déplaçais difficilement dans mes sandales dont les clous piquaient mes pieds, poussés par les rochers, mais heureusement, habitué à la douleur et la souffrance, ces indispositions physiques ne me dérangent pas et passent souvent inaperçues.
    Pourtant, la douleur était incontournable, intense et très douloureuse, lorsque j’ai trouvé mon nouvel ami Mamadou III, sur une plateforme rocheuse, déposé par les vagues de la dernière tempête. Sa tête scalpé jusqu’à l’os brillait par sa blancheur et par le contraste avec les algues noires déposées tout au tour de ce qui restait de son corps. Il ne restait plus grand-chose de mon ami, juste quelques muscles du buste et d’autres plus développés sur la cuisse gauche. Les membres disloqués sous sa carcasse, tenaient par quelques tendons résistants aux mouvements des vagues et les frottements sur les rochers. Encore, comme chaque fois que ça m’arrive, mon âme est traversée de bout en bout par la colère et l’impuissance, devant cette iniquité, ce génocide des pauvres, qui acculés par la nature ou la conjoncture, ont sacrifié leur vie, pour une traversée incertaine vers le Nord promis, le Nord interdit, le Nord maudit. Ces pauvres qui, au lieu de se révolter, de s’insurger, de s’imploser en camicases, … ont préféré se déconstruire en silence, sans nuire, sur les dunes du Sahara ou entre les vagues de la Méditerranée ou Gibraltar. Chaque fois, je restais planté devant mon ami, figé par le désarroi et la colère, ne sachant ni pleuré, ni crier ma rage, … impuissant, castré par le néo capitalisme sauvage, meurtris par la partialité des chances et des droits à la vie.
    En rentrant, j’ai hésité à informer la protection civile de l’infortune de mon nouvel ami et l’endroit de son échouage, et après mure réflexion, je me suis abstenu de le faire, car, dans cet endroit Mamadou III ne risque rien et peut attendre quelques jours. Que notre ami passe la fête de l’Aïd El Fitr, avec nous, parmi nous, dans ce bel endroit, et que les agents de la protection civile, véritables guerriers de l’humain, passent la fête sans amertume et désagrément. Ces agents qui sont souvent submergés par le nombre de cadavres de « Harraga » échouant sur les plages de la ville et sa région, au point de ne pas répondre à mes signalements de morceaux de squelettes que je trouve quelques fois, ce qui m’oblige à les enterrer moi-même, avec un grand respect, dans mon cimetière secret sur une belle petite colline au bord de la mer.
    Ainsi, nous passâmes tous, la fête, sans pouvoir oublier cette angoisse qui travaille les entrailles et la conscience et la Protection civile, fit bien son travail, et mon ami Mamadou III, eut droit au respect et la dignité, et se repose enfin, auprès de ses frères Zarzissiens.
    Lihidheb mohsen
    Eco artiste 4170 Zarzis 03.11.08

    Lihidheb mohsen

    15 novembre 2008 at 11:19


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